Loi “séparatisme” : le Sénat interdit le port du voile aux accompagnatrices de sorties scolaires

Loi « séparatisme » : le Sénat interdit le port du voile aux accompagnatrices de sorties scolaires

( Article Sud-Ouest  avec AFP, 31 mars 2021)
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S’il ne mentionne pas directement le voile, il «serait hypocrite de dire que le voile n’est pas concerné par le texte, selon la sénatrice Nathalie Delattre.» © Crédit photo : Illustration SO Leoty Xavier


Par 177 voix contre 141, les sénateurs ont adopté des amendements interdisant le port ostensible de signes religieux par les accompagnateurs en sorties scolaires

Le Sénat à majorité de droite a voté mardi, malgré la ferme opposition de Gérald Darmanin, un amendement LR visant à interdire le port ostensible de signes religieux pour les accompagnateurs de sorties scolaires, au terme d'un vif débat sur le port du voile.

Cet amendement au projet de loi sur «le respect des principes de la République», porté par Max Brisson, a été adopté par 177 voix pour (quasi-totalité des LR et du RDSE à majorité radicale) et 141 voix contre (PS, RDPI à majorité En Marche, CRCE à majorité communiste, écologistes). Il a divisé les groupes centristes et Indépendants.

Il reprend une proposition de loi votée en première lecture en 2019 et étend l’interdiction faite depuis 2004 aux élèves des écoles, collèges et lycées de porter des « signes ou tenues par lesquels [ils] manifestent ostensiblement une appartenance religieuse » aux «personnes qui participent, y compris lors des sorties scolaires, aux activités liées à l’enseignement dans ou en dehors des établissements, organisées par ces écoles et établissements publics locaux d’enseignement.»

Colère de la gauche et du centre

L’adoption de cet amendement a provoqué la colère des sénateurs de l’aile gauche et du centre de la Chambre haute. «C’est de l’acharnement législatif», a fustigé Sylvie Robert (PS).

Le texte ne mentionne pas directement le port du voile par les accompagnatrices. Une «hypocrisie» dénoncée par Gérald Darmanin, qui a rappelé que les établissements privés sous contrat, associés au service public, autorisent le port de signes religieux, la clé de la laïcité en France, qui est « l’acceptation de la pluralité religieuse » de la société, selon le locataire de la place Beauvau.

Coche blanche en gras

Par 177 voix contre 141, l’amendement Brisson/Delattre pour renforcer la neutralité du service public lors des sorties scolaires est adopté ! Mettons fin à l’ambiguïté sur les parents accompagnateurs : même régime que les enseignants. #PJLPrincipesRepublicains

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«Personne ne doute un seul instant que nous parlons ici du foulard. Ce serait hypocrite de dire que le voile n'est pas concerné», a affirmé le ministre de l'Intérieur, malgré des dénégations des partisans de l'amendement. «Nous avons des termes très généraux», a ainsi répliqué Nathalie Delattre (RDSE).

Darmanin opposé au texte

Comme il y a deux ans, la discussion a porté sur le statut des accompagnateurs de sorties scolaires, le plus souvent des mères. Doivent-ils être considérés comme des «collaborateurs occasionnels» du service public et donc soumis au principe de neutralité? Ou bien restent-ils des «usagers» du service public?

Max Brisson a aussi défendu la continuité de l'école «dans les murs» et de l'école «hors les murs», arguant que la sortie scolaire «est un acte pédagogique» et que la neutralité religieuse et politique du service public de l'éducation doit donc s'appliquer.

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«Très opposé à cette disposition, Gérald Darmanin a affirmé qu'elle «sera censurée» par le Conseil constitutionnel. Il a jugé aussi «assez paradoxal» que Max Brisson fasse «une défense ardente de l'instruction en famille, où là tout vêtement religieux peut être porté intégralement sans aucun contrôle de l'Etat, et soit extrêmement sévère pour les mamans qui accompagneraient les sorties scolaires avec un foulard».

«Si vous voulez que les enfants ne connaissent pas de signes religieux, mettez-les à l'école publique», a-t-il lancé.

«Une fois n'est pas coutume, je suis d'accord avec le ministre», a déclaré l'écologiste Esther Benbassa, une position partagée sur les bancs PS et CRCE. «Si la personne voilée était islamiste, elle n'accompagnerait pas les élèves», a-t-elle glissé.

Des «amendements dangereux»

Didier Marie (PS) a pointé des «amendements dangereux car il laissent entendre qu'il y aurait un lien de causalité, un continuum culturel, entre le port du voile, l'islam politique, le radicalisme, le séparatisme, et pourquoi pas le terrorisme».

Des centristes se sont également opposés à l'amendement. «La République est laïque, la société ne l'est pas et les individus ne le sont pas», «de grâce ne laïcisons pas la société française, laissons les gens libres», s'est emporté Loïc Hervé, tandis que Laurent Lafon appelait à ne pas «se tromper de cible».

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Sans faire l'économie d'un nouveau débat prolongé et animé, le Sénat a encore voté en soirée, toujours contre l'avis du ministre, un amendement de Michel Savin (LR) pour permettre au règlement intérieur des piscines d'interdire le port du burkini.

«A part faire le buzz, à quoi sert?» cet amendement, a demandé le président du groupe écologiste Guillaume Gontard, tandis que Valérie Boyer (LR) dénonçait «une tenue qui a une portée politique» et défendait la protection de «l'égalité entre les hommes et les femmes».

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